Une aventure alimentaire particulière
La réflexion politique autour de l’alimentation et les premières actions engagées pour faire évoluer le paysage alimentaire local remontent à… 1997. Depuis, la ville n’a jamais cessé de faire connaître ses ambitions. Petit voyage chronologique.
Les dates clés
1997
- Décision de construire une cuisine dans chacune des trois écoles.
- Ouverture de la deuxième cuisine à l’école l’Orée du bois.
1999
La crise de la vache folle, ou plutôt le scandale sanitaire des herbivores nourris avec des farines animales, crée le premier déclic chez les élus de Mouans-Sartoux. À l’unanimité, ils votent le remplacement des achats de viande conventionnelle par du boeuf bio.
2000
La commune achète la ferme des Canebiers (plus d’un hectare). Elle accueille l’année suivante « les Jardins Valeurs Solidaires », un chantier d’insertion par l’activité économique qui développe une production en maraichage en adhérant au réseau de Cocagne.
2001
Ouverture de la cuisine de l’école François-Jacob. Chaque école a maintenant sa cuisine dont les effluves mettent en appétit les élèves en classe et qui permettent de cuisiner tout au long du repas pour tous les convives.
2002
La commune soutient la création d’un magasin associatif « la Maison du Commerce Equitable ».
2004
- Création de l’AMAP (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) locale.
- La commune délibère pour acheter le domaine de la ferme des Hautes-Combes (4 hectares).
2005
- Mouans-Sartoux devient ville PNNS (Programme national nutrition santé).
- La commune acquiert plus de quatre hectares de terrains dans le quartier des Gourettes. Une partie accueille en 2007 la Bastide du Parfumeur, un site de jardins aménagés pour valoriser le patrimoine floral local. Depuis 2010, il est animé par les Jardins du musée international de la parfumerie du pays de Grasse.
L’autre partie des terrains est louée à l’association Fleurs d’Exception du pays de Grasse qui valorise la savoir-faire local, en culture biologique, de plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM). - Lancement de la révision générale du plan local d’urbanisme concomitamment au lancement de la démarche Agenda 21.
- Introduction de céréales semi-complètes dans les menus.
2006
Programme “Bien manger, bien bouger, c’est bon pour la santé”. Révision des menus pour intégrer la saisonnalité des productions.
2008
Étude de faisabilité pour créer une régie agricole. Début de l’opération “Un fruit à la récré”.
2009
23 % de bio dans les assiettes, les objectifs du Grenelle de l’Environnement (20% de bio dans la restauration publique en 2020) sont dépassés.
2010
Première cultures expérimentales à la régie agricole. Premières pesées des restes alimentaires.
2011
- 73,6 % de bio et réduction du gaspillage alimentaire de 75 %. Embauche du premier agriculteur sous contrat municipal, logé dans une dépendance de la régie. Mise en place des portions différenciées au self-service (petites et grandes faims) et de la « cuisine à la demande ».
- Lancement des jardins familiaux des Canebiers, organisés en association.
- L’Agenda 21 de Mouans-Sartoux est reconnu « Agenda 21 Local France » par le ministère de l’environnement et du développement durable. Il intègre le projet du plan éducatif local avec des actions pour une restauration scolaire favorable à la santé des enfants. Il intègre aussi la création de la ferme communale en régie municipale et des actions pour relocaliser l’agriculture.
2012
100 % de bio (première ville de France de plus de 10 000 habitants à ce niveau). Adoption d’un nouveau plan local d’urbanisme avec triplement des surfaces agricoles (de 40 à 112 hectares). Création de l’Observatoire de la restauration durable local pour documenter les pratiques et collecter des données.
2013
- La ville reçoit le premier prix du Trophée des écomaires pour sa restauration bio et durable.
- Tous les produits d’entretien sont écolabellisés.
2014
- Capitale française de la biodiversité, Agriculture urbaine et biodiversité.
- Délibération municipale créant une aide à l’installation des agriculteurs bio. Obtention du label « En Cuisine » niveau 3 (Ecocert).
2015
Extension de la ferme municipale à six hectares par acquisition d’une ferme voisine (ferme Laugerie).
2016
- Label Territoire de commerce équitable mention excellence.
- Label PAT (Projet alimentaire territorial) niveau 1.
- Création de la MEAD et participation en tant que partenaire au réseau européen AGRI-URBAN financé par le programme URBACT, regroupant 11 villes travaillant sur la question de l’agriculture urbaine.
2017
- Lauréat URBACT Good practice (programme européen) pour la cantine 100% bio.
- Lancement du Diplôme universitaire « Chef de projet alimentation durable » avec l’Université Côte d’Azur.
- Labellisation PAT (Projet alimentaire territorial).
- Lancement des classes alimentation durable pour les écoliers de Mouans-Sartoux.
- Cantines zéro plastique en matière de contact alimentaire.
2018
- Achat et installation d’une unité de surgélation de trois à quatre tonnes par an pour absorber le surcroît de production estival (vacances scolaires).
- Lancement de la première édition du Printemps des possibles, festival annuel zéro déchet, commerce équitable et alimentation durable.
- Animation du réseau européen de transfert BioCanteens#1 dans le cadre du programme européen URBACT qui vise à transférer les pratiques mouansoises à six collectivités européennes. Biocanteens#2 en 2021.
2019
- Création du réseau Cantines Durables-Territoires Engagés dans le cadre du Programme National de l’Alimentation, réseau de transfert du projet mouansois à neuf collectivités françaises.
- Prix des villes positives, catégorie alimentation positive.
2020
- Prix européen Innovation in Politics Award 2020 pour la régie agricole.
- Lancement du marché de producteurs hebdo tous les mercredis.
- Lancement du projet Le citoyen nourrit la ville.
2021
- Label PAT niveau 2.
- Lancement du projet « Alimentation durable en entreprise », financement FEADER. Phase 2 en 2023 et 2024.
- Lancement de la recherche-action Coopération inter-PAT (appel à projet PNA, Programme national pour l’alimentation).
- Signature de la charte « Villes et territoires sans perturbateurs endocriniens » et lancement du groupe d’action.
- Un étude CERPAM (activités pastorales) conclut en la possibilité d’installer un élevage caprin dans les espaces naturels de l’ouest de la commune.
- Introductions de céréales et légumineuses complètes (après les semi-complètes en 2005).
2022
- L’épicerie sociale crée un rayon bio en partenariat avec BioCoop.
- Prix international Milan Pact Award, mention spéciale gouvernance.
- 50% de menus végétariens à la cantine.
- Exposition « Terres d’hier, Terres d’avenir » au Festival du livre.
2023
- Trophée FAIRTILE (prix Max Havelaar) pour une commande publique équitable (Acteur pionnier).
- Membre fondateur de ALTAA (Alliance pour les transitions alimentaires et agricoles).
- Reconquête agricole : première signature d’un bail rural par des propriétaires privés locaux.
- Résultats de l’étude d’impact des actions de la MEAD sur le changement des habitudes alimentaires des habitants.
- Lauréat de l’appel à projets Mieux manger pour tous pour augmenter la part de produits bio, frais et locaux à l’épicerie sociale.
- Première fête des potagers « Le Citoyen Nourrit la Ville ».
- Étude de faisabilité pour étendre les surfaces agricoles à hauteur des besoins en terres cultivables, qui permettraient de répondre a 50% des besoins alimentaires essentiels en légumes, légumineuses et fruits.
2024
- Premières Rencontres nationales des fermes municipales à Mouans-Sartoux.
- Délibération d’une démarche expérimentale pour aider les restaurateurs à découvrir le « manger bio ». Pour 1 200€ d’achats de produits bio et locaux en région PACA, une subvention de 800€ est reversée.
- Label Assiettes vertes 2 étoiles pour les menus végétariens. Remis par l’association Assiettes végétales.
- Adhésion au réseau Territoires bio de la FNAB.
- Installation d’un agrumiculteur sur des terres agricoles privées via l’animation foncière municipale.
- Reconquête agricole : premier défrichement pour installer trois porteurs de projets.
- Résultats de Kalisanté (Kids Alimentation santé), étude sur l’impact de la cantine 100% bio sur le bien-être des enfants et de leurs familles.
- Capitale de la biodiversité, mention spéciale Alimentation et biodiversité.
- Lancement de la réflexion sur un groupement d’achat solidaire de produits bio.
2025
- Lauréat du PNA sur le volet essaimage pour créer le réseau national des fermes publiques (municipales, intercommunales et départementales).
La cantine comme levier du changement
Le projet alimentaire de Mouans-Sartoux a démarré en 1998, en pleine crise de la vache folle (lire la chronologie ci-dessus). Avec ce constat, alors peu répandu pour l’époque, que la restauration collective, au départ simple service facultatif des collectivités, pouvait jouer un rôle important dans le développement agricole, économique et social du territoire. Servir des milliers de repas tout au long de l’année n’est en effet pas neutre en termes d’achats alimentaires, de valorisation du tissu foncier, d’éducation des convives, d’impact sur l’environnement et de bénéfices directs sur la santé publique.
Or il faut l’avouer, pendant des années, la restauration collective est restée à l’écart -pour ne pas dire très loin- du débat public. Sorte de parent pauvre de l ‘action territoriale, les cantines se sont employées au mieux à « remplir des estomacs », en respectant à la lettre des recommandations nationales limitées à des aspects essentiellement sanitaires. Leur gestion, assurée soit en direct par les collectivités, soit déléguée à des opérateurs privés, laissait faire le marché et n’abordait pas ou peu la question de la qualité alimentaire. La restauration collective n’entrevoyait alors rien ou si peu des multiples ramifications politiques, économiques et sociales que ces lieux du vivre et manger ensemble ouvraient aux territoires. Depuis, les temps ont heureusement changé, portés par l’action de territoires désireux de faire bouger les lignes.
« En diminuant de 80% le gaspillage alimentaire, nous avons économisé 20% sur nos achats alimentaires. En servant 50% de menus végétariens pour tous les enfants, nous économisons 25% du budget alimentation. Ces deux économies importantes sont les leviers du financement de l’alimentation 100% bio des cantines, tout le monde pourrait le faire ! »
Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux délégué à l’enfance, à l’éducation à l’alimentation et à la ferme municipale.
Réunir les acteurs, tracer une feuille de route
Dès le début des années 2000, la commune de Mouans-Sartoux s’est proposé une nouvelle approche des cantines. Il était possible de faire beaucoup mieux : manger plus sain, plus durable, plus local, impliquer les différents acteurs évoluant du champ à l’assiette, tenter de tracer un chemin vers la souveraineté alimentaire et créer, à terme, les conditions d’émergence de ce qu’on appelle aujourd’hui une forme de « démocratie alimentaire » à l’échelle du territoire.
Cette vision politique de l’alimentation s’est traduite par une série de changements progressifs qui ont peu à peu transformé le paysage alimentaire local. Au point qu’en 2016, la ville décide de créer La Maison d’éducation à l’alimentation durable (MEAD). Cette structure municipale d’un nouveau genre, au-delà de sa fonction de pilotage du projet alimentaire territorial (PAT) local, consiste à réunir et entraîner dans son sillon tous les acteurs qui œuvrent à l’acte du manger collectif : en première ligne les agents techniques et les élus de la collectivité ainsi que les équipes pédagogiques, mais aussi toutes les forces qui gravitent autour de ce nouveau défi démocratique : citoyens, agriculteurs, plates-formes professionnelles, acteurs économiques, représentants de collectivités extérieures, organisations associatives, institutions du monde la santé et de la recherche. La MEAD a cette vocation particulière de faire se croiser des talents et des collectifs venus de tous horizons qui ont tous en commun la volonté de changer le monde, comme le dit le chercheur François Collart Dutilleul, « par et pour l’alimentation ».
