100% bio à la cantine
C’est tout ou rien à Mouans-Sartoux ! Depuis le 1er janvier 2012, les 1200 repas quotidiens de la restauration collective locale sont intégralement bio. Détail important, cette transformation n’a généré aucun surcoût. Tous les plats sont faits maison, par des équipes formées et motivées, à partir de produits bruts et de saison. C’est-à-dire à peu près tout l’inverse du modèle commun dominant.
Un mot qui n'est pas clivant...
Le bio, un truc de bobo ? L’apanage de classes moyennes et familles aisées à l’abri de la malbouffe industrielle qui pénaliserait le reste des citoyens ? On n’entrera pas dans ce débat houleux, voire démagogique sur le plan politique où l’agriculture biologique est régulièrement prise en otage, surtout à l’heure de crises agricoles répétitives qui touchent une opinion elle-même préoccupée par la réduction de son pouvoir d’achat. Pourtant, vu de la collectivité, le mot 100% bio n’a jamais été clivant. Il repose sur une approche logique de la problématique alimentaire. Quitte à introduire une alimentation saine, c’est-à-dire exempte de pesticides et favorisant une chaîne d’acteurs qui s’engagent pour leurs territoires, l’agriculture biologique reste l’objet, jusqu’à preuve du contraire, d’un cahier des charges qui donne des gages de sérieux dans le domaine de la production alimentaire.
Bien sûr à Mouans-Sartoux, il a fallu procéder par étapes. Comme les opérateurs du grand marché alimentaire n’étaient pas prêts, à l’aube des années 2000, à répondre à la commande publique bio d’une collectivité de plus de 10 000 habitants, les approvisionnements ont donc évolué par paliers, avant d’être intégralement certifiés bio le 1er janvier 2012. Comme quoi, à l’impossible nul n’est tenu.
Du frais, du bon, du bio
1200 repas par jour, une cuisine dans chacune des trois écoles équipées d’une légumerie pour préparer les fruits et légumes, un personnel motivé et régulièrement formé, le principe d’une « cuisine de marché » où la disponibilité des produits de saison dicte la rédaction des menus et non le contraire, l’auto-production de plus de 85% des besoins en légumes à l’année grâce à la régie agricole… Manger bio et local demande de mettre en place une logistique spécifique, certains diront trop lourde à gérer. Pour la ville, il s’agissait d’abord de répondre au défaut d’approvisionnement bio et local et, sur le fond, aux grands enjeux de société contemporains. Ce qu’elle savait moins en s’aventurant dans le projet, c’est qu’elle répandrait l’envie de changer le monde un peu partout sur de nouveaux territoires : un honneur et une grande fierté.

En cuisine, des équipes motivées
En remettant le métier de cuisinier en collectivité au cœur du projet alimentaire, Mouans-Sartoux a pu atteindre ses objectifs en cuisine. Du gestionnaire des commandes (qui va chercher tous les jours ses légumes chez Sébastien, à la régie) aux chefs et seconds de cuisine, en passant par les animateurs du temps repas, la réalisation des menus stimule la créativité et encourage le partage de nouvelles pratiques. Les équipes sont passées à une « cuisine de marché » où tout est fait maison, de l’entrée au dessert. Les adjuvants industriels, les sauces préfabriquées et les exhausteurs de goût n’ont plus leur place. En contrepartie, les rythmes de travail et les sessions de formation sont certes plus soutenus qu’avant, mais à la fin, tout le monde y gagne et un nouveau souffle collectif entraîne les personnels de service, les agents d’encadrement et les convives. Revaloriser ces métiers réputés parfois ingrats ou peu reconnus, c’est plus d’efficacité et parfois même un taux d’absentéisme réduit.
Des menus plus équilibrés

Rapidement, de nouveaux usages et expressions se répandent en cuisine : « Manger moins de viande pour mieux de viande », par exemple, consiste à réduire la part carnée dans l’alimentation. La cantine propose 50% de menus végétariens par semaine. Cela ne signifie pas renoncer à la viande, mais recourir à des productions animales issues d’élevages bio très qualitatifs : de plein air, favorisant le bien-être animal et évoluant sur de vrais pâturages. Aux fourneaux, cela se traduit par des recettes revisitées où la part réduite de protéines animales s’équilibre avec celle en augmentation des légumineuses, des céréales complètes et des légumes de saison. Ces derniers sont au cœur de l’approche diététique du projet alimentaire local. Dans une des enquêtes menées auprès des convives et de leurs parents, seuls 8% des enfants estimaient qu’il y avait « trop de légumes » à la cantine. Un résultat hautement encourageant.
Augmenter le nombre de menus végétariens représentant un triple avantage : c’est bon pour la santé, c’est profitable à l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique, mais c’est aussi une source d’économie. Avec 50% de menus végétariens faits maison, on peut viser une économie de 25% du budget global de l’alimentation.
Une réduction drastique du gaspillage alimentaire

« Tom, tu veux une pomme, une moitié de pomme, un quart de pomme ? » Le service à la portion est un des principaux leviers de la réduction du gaspillage alimentaire et, donc, des surcoûts qu’il engendre. Avec en moyenne 120 grammes de nourriture jetés par convive et par repas, pour un coût estimé à 68 centimes par assiette, le gaspillage alimentaire en restauration collective représente 8% du gaspillage alimentaire total en France pour les 3,8 milliards de repas servis chaque année (source Ademe, 2020). À Mouans-Sartoux, le tri et la pesée quotidienne des restes alimentaires, combinés à l’encouragement des jeunes convives à choisir (et à finir) le contenu de leur assiette en fonction de leur appétit, a permis de réduire ce gaspillage à moins de 40 grammes par menu. L’économie engendrée, en plus de faire du bien aux deniers publics (la nourriture jetée est toujours payée deux fois, à l’achat puis sur la facture de traitement des déchets), a logiquement financé le surcoût de l’alimentation intégralement bio. Réduire le gaspillage permet ainsi de passer au 100% bio sans faire exploser la note.